L’indemnisation des motards victimes d’un accident de la route

 

L’INDEMNISATION DES MOTARDS VICTIMES D’UN ACCIDENT DE LA ROUTE

 

Par Dr. Yannick MARTIN et Me Frédéric ROUSSEL Avocat spécialiste en dommage corporel*

Avec vingt fois plus de risques de subir un accident mortel qu’en voiture, notamment hors agglomération et avec une grosse cylindrée ou maxi-scooter, les motards sont vulnérables et représentent une population de victimes fortement impliquée dans les accidents de la route.

La collision frontale ou latérale, l’éjection et la présence d’obstacles constituent la source principale des blessures orthopédiques ou neurologiques subies, avec des conséquences parfois graves : traumas-crâniens, handicaps cérébraux et moteurs.

La constatation médico-légale des lésions, comme l’indemnisation amiable ou judiciaire des postes de préjudices ne s’improvise pas, justifiant l’intervention d’un médecin-conseil de victimes et d’un Avocat spécialiste en dommage corporel.

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Quelle loi applicable pour les motards ?

 

A l’instar de tout véhicule terrestre à moteur, le motard et son passager sont placés sous la loi du 5 juillet 1985, dite « loi Badinter ». En application de cette loi sont déterminés les postes de préjudices à indemniser, les éventuelles responsabilités ou limitations du droit à indemnisation.

Que faut-il faire en cas d’accident ?

 

Certaines règles doivent impérativement être suivies afin d’optimiser la réparation intégrale de ses postes de préjudice :

  1. Le constat médical : il est nécessaire de faire constater les blessures subies, soit par les unités médico-judiciaires d’un hôpital, soit par le service d’urgence d’une clinique, soit par le médecin-traitant, et de se faire délivrer un certificat médical initial descriptif.

Ce constat permet également de saisir la Commission d’indemnisation des Victimes d’Infractions (C.I.V.I) dès lors que l’incapacité totale de travail (ITT) est supérieure à trente jours, que les causes de l’accident relèvent de faits volontaires, ou présentent le « caractère matériel d’une infraction » (article 706-3 Code de procédure pénale) ;

  1. La déclaration de sinistre : que l’accident ait été causé seul, ou impliquant un tiers, que l’on soit auteur ou victime, la déclaration de sinistre à son assureur doit impérativement être effectuée dans un délai standard de cinq jours, par courriel, lettre ou applications.

La déclaration doit être descriptive (date, jour, lieu, conditions) si possible accompagnée d’un constat. En cas d’impossibilité liée à une hospitalisation ou une incapacité temporaire, ces éléments peuvent être complétés ultérieurement par le questionnaire reçu de l’assureur ;

  1. Le dépôt de plainte : bien que ne relevant d’aucune obligation légale, le dépôt de plainte permet de déclencher les poursuites pénales par le Parquet devant un tribunal de Police, ou correctionnel (8 jours d’ITT au moins) à l’encontre de l’auteur de l’accident, et de se constituer partie civile.

En cas de désaccord sur le montant de l’indemnisation amiable avec l’assureur, la procédure pénale permet également d’obtenir une expertise judiciaire, et de liquider les postes de préjudices par voie de jugement dit sur « intérêts civils » ;

  1. Le compte-rendu d’enquête ou le constat : celui-ci est primordial en ce qu’il détermine (pas toujours clairement) les responsabilités opposables à chacun des auteurs de l’accident. Il s’obtient par réclamation auprès de son assureur (qui en a reçu copie via TRANS-PV) soit auprès du greffe du Parquet ou du Tribunal judiciaire.

En l’absence d’incidence corporelle, les forces de l’ordre se déplacent rarement. Dans un tel cas, et en l’absence de compte-rendu, il convient d’obtenir soit le constat amiable, soit des témoignages (voire vidéos) ;

  1. Le dossier médical : celui-ci est capital en ce qu’il détermine la nature et l’ampleur des indemnisations, et favorise l’obtention des indemnisations. Il doit être réclamé auprès de l’établissement en application de la loi « Kouchner » du 4 mars 2002 et de l’article L.1111-7 du Code de la Santé publique.

Les documents prioritaires à obtenir :

  • Comptes-rendus opératoires
  • Comptes-rendus d’hospitalisations
  • Comptes-rendus scanner-IRM-radiologie-échographie-doppler.
  • Bulletins de situation établis par le ou les établissements hospitaliers
  • Ordonnances médicales
  • Attestations éventuelles des praticiens hospitaliers et médecins-traitants
  • Les bilans de rééducation fonctionnelle
  • Certificat de consolidation

 

J’ai chuté seul, suis-je indemnisé ?

 

Oui, mais seulement si une « garantie personnelle du conducteur » couvrant les blessures ou le décès occasionnés par le pilote seul (à l’exclusion de tout tiers impliqué) a été souscrite auprès de votre assureur, ce qui relève d’une option et non d’une obligation légale.

Deux clauses de ce contrat d’assurance doivent être particulièrement exigées : un seuil d’indemnisation limité à 10 % maximum d’atteinte corporelle (idéalement 5%) et un plafond de garantie fixé à 1 million d’euros minimum.

Je suis en tort ai-je droit à une indemnisation ?

 

Attention : en application de l’article 4 de la loi Badinter du 5 Juillet 1985 « La faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il a subis ».

Ainsi, le droit à réparation du préjudice de la victime motard est garanti, sauf si la faute commise a partiellement ou totalement contribué à la réalisation de l’accident de la route. Cette faute est appréciée par les Tribunaux en faisant abstraction du comportement des autres conducteurs.

Les fautes du motard identifiées par les assureurs sont classiques : défaut de maîtrise avec perte de contrôle, vitesse excessive, remontées inter files, conduite sur zébra, faute de freinage, feux rouges, alcoolémie, stupéfiants.

 

L’auteur n’a pas été identifié, ou n’est pas assuré : quelles sont mes recours ?

 

En une telle hypothèse, le conducteur victime doit saisir le « Fonds de Garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) dans un délai de trois ans à compter de l’accident. Si l’auteur a été identifié, la « saisine » du FGAO doit être effectuée dans l’année de la décision judiciaire rendue, notamment pénale.

 

Je suis devenu handicapé, comment faire ?

 

Les accidents de la route impliquant des motards entrainent souvent des traumatismes crâniens sévères, associés à des lésions cérébrales et neurologiques (cérébro-lésions, paraplégies, tétraplégies) voire des amputations, handicapant lourdement la victime.

Ces blessures peuvent entrainer des conséquences si graves quelles induisant une profonde modification des habitudes de vie : perte partielle ou totale d’autonomie, impossibilité de rapports sexuels, d’avoir des enfants ou de les élever, perte d’activité professionnelle ou nécessité d’une adaptation voire d’une reconversion, besoin d’un logement ou d’un véhicule adapté, appareillages et domotiques, dépenses de santé, pertes de gains professionnels actuels et futurs, incidences sur droits à la retraite, notamment. Tous ces postes de préjudice sont appréciés et évalués par les médecins experts qui interviendront au cours du processus d’indemnisation. A chaque étape le blessé doit impérativement être assisté d’un Médecin expert de recours qui défendra ses droits et vérifiera qu’aucun poste n’est oublié ni sous-évalué. Les postes de préjudice corporels sont regroupés dans une liste appelée « Nomenclature Dintilhac »..

Les postes de préjudices insérés dans la nomenclature DINTILHAC prennent en compte les atteintes temporaires et permanentes subies, dont l’indemnisation est soumise à de nombreuses expertises médico-légales, en sus des expertises dites « PMR » (personnes à mobilité réduite).

Leur quantification par l’Avocat est complexe, justifiant une compétence évidente en la matière.

En cas d’accident mortel, que se passe-t-il pour mes proches ? 

 

Les incidences économiques (patrimoniales) subies par les proches en cas de décès sont multiples : pertes de revenus du conjoint survivant marié, pacsés ou en situation de concubinage notoire, préjudice économique pour les enfants.

A ces premiers postes s’ajoutent de nombreuses conséquences personnelles (extrapatrimoniales) liées à la perte douloureuse de l’être cher (préjudice d’affection) ou à l’accompagnement parfois long de la victime en milieu hospitalier avant son décès (préjudice d’accompagnement).

Dans tous les cas, il revient à l’assureur de l’auteur de l’accident (ou au Fonds de Garantie) d’indemniser toutes les conséquences dommageables subies par les proches.

 

Et pour mon passager ?

La situation du passager est plus confortable dans la mesure où son droit à indemnisation est total, y compris en présence d’une faute du pilote, de conduite sous l’empire d’un état alcoolique-stupéfiants, d’absence d’assurance par celui-ci ou par l’auteur de l’accident (saisine du FGAO).

A retenir

Certaines règles complémentaires doivent également s’imposer à toutes victime motard :

  • Refuser toute expertise amiable proposée par l’assureur, notamment sans l’aide d’un Médecin-conseil pour assister le blessé et ses ayants-droits en tant que Médecin expert de recours.
SOMMAIRE

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Sandrine Guerry·7 septembre 2023·0 commentaire