L’indemnisation des proches d’une victime d’accident corporel

Dans cet article, le Dr. Yannick MARTIN– médecin expert de recours –et Me Frédéric ROUSSEL – avocat spécialiste en dommage corporel – présentent l’indemnisation des proches d’une victime d’accident corporel : quels sont les préjudices indemnisables pour les proches ou ayant-droits de la victime, que ce soit en cas de survie ou de décès de la victime, et qui les  indemnise.

Il est très difficile de faire valoir les droits des proches sans recourir à un médecin expert de recours et un avocat,   indépendants des compagnies d’assurance.

La victime d’un accident ou d’une agression, appelée « victime principale » bénéficie de droits permettant l’indemnisation du dommage corporel et psychologique et globalement, de l’ensemble du préjudice subi. Beaucoup de gens ne savent pas que les «victimes indirectes», c’est-à-dire les personnes qui ont subi « par ricochet » un dommage du fait de l’accident, ou de l’agression de la victime principale, sont aussi éligibles à une indemnisation.

En effet, un accident de la voie publique, comme une agression, n’impactent pas uniquement la victime directe, mais également ses proches, juridiquement qualifiés de « victimes indirectes », de « victimes par ricochet » ou « d’ayant-droits ».

La prise en charge de leurs préjudices moraux et économiques se doit d’être revendiquée en cas de de décès de la victime directe, mais aussi, dans la plupart des cas de survie du blessé.


Quels préjudices des proches sont indemnisables en cas de survie de la victime ? 

En application du principe de réparation intégrale, l’indemnisation des proches couvre toutes les conséquences personnelles et financières subies, en relation directe avec l’agression ou l’accident. La nomenclature Dintilhac, utilisée devant les juridictions, détaille poste par poste l’ensemble des préjudices indemnisables des proches, selon que la victime principale est décédée ou vivante. L’indemnisation des proches, victimes par ricochet, fait aussi partie des postes indemnisables par les compagnies d’assurance de façon amiable, transactionnelle, ou judiciaire.

Les postes principaux s’entendent des frais divers (déplacements, hébergements, alimentation, frais médicaux et paramédicaux), en sus des pertes de revenus des proches consécutives à l’assistance portée à la victime, ou leur présence à ses côtés.


Qui indemnise les proches ? 

En cas d’accident

Les frais divers et les pertes de revenus sont essentiellement couverts par l’assureur du responsable, c’est-à-dire la compagnie d’assurance ou la mutuelle d’assurance couvrant la responsabilité civile de l’auteur du sinistre.

Les frais d’assistance par aide-ménagère, garde-malade ou enfant, peuvent également être couverts s’ils ont été souscrits au moyen d’un contrat garantie accident de la vie. Il en est de même pour certains forfaits hospitaliers.

Dans l’hypothèse d’un conducteur non-assuré, les postes de préjudice sont couverts par le Fonds de Garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO).

Dans l’hypothèse d’un professionnel de santé ou d’un établissement de soins ayant cessé son activité depuis les faits (décès, retraite, liquidation, fusion, etc…), c’est l’ONIAM qui pourra se substituer au responsable défaillant, au titre de la solidarité nationale.

En cas d’agression, de viol, d’attentat

Que le responsable soit identifié ou non, solvable ou non, l’indemnisation est assurée par le Fonds de Garantie des actes de terrorisme et autres infractions (FGTI) de manière amiable ou judiciaire devant un tribunal pénal.

Suivant les cas, le FGTI peut être saisi directement par la victime ou après décision de la CIVI, Commissions d’indemnisation des victimes du terrorisme des infractions et des incivilités. Il y a une CIVI associée à chaque TGI (devenus tribunaux judiciaires en 2020).

Le délai de saisine du « FGTI » doit intervenir dans les trois ans de l’agression, ou d’une année à compter de la décision judiciaire rendue.

Certains contrats garantie accident de la vie prévoient également une indemnisation pour ces faits. Les garanties « protection juridique » ou « défense-recours » peuvent prendre en charge les frais divers exposés dans le cadre de l’action judiciaire ou amiable, à la condition d’en avoir souscrit une de bonne qualité, avant les faits. Elles permettent à la victime de financer les honoraires de son avocat et de son médecin expert de recours, tous deux indispensables à la défense des victimes, notamment dans ce type d’affaire.


Existe-t-il un préjudice moral en cas de survie de la victime ? 

Oui, car selon la définition qui en est donnée, il s’agit du « préjudice moral subi par certains proches à la vue de la déchéance et de la souffrance de la victime directe ».

L’indemnité octroyée dépend de la nature et de l’intensité des blessures subies, comme des périodes d’hospitalisation (avec ou sans rééducation) à l’occasion desquelles les proches ont été exposés aux souffrances endurées par la victime directe, et l’ont accompagnée par leur soutien.


D’autres préjudices à indemniser ?

Dans certains cas, la survie douloureuse de la victime directe entraîne sur les conditions d’existence des proches, sur leur mode de vie au quotidien et parfois sur leur communauté affective, de profonds bouleversements.

Ces troubles ressentis sont qualifiés de « préjudices extrapatrimoniaux exceptionnels » et émergent tant au domicile qu’en résultat de fréquentes visites en milieu hospitalier (sans confusion avec le préjudice d’affection).

La réclamation financière est revendiquée auprès de l’assureur de l’auteur de l’accident, ou au FGTI en matière d’agression.


Et en cas de décès de la victime directe ?

Le décès de la victime directe induit malheureusement des frais d’obsèques à supporter par les proches. Leur prise en charge est effectuée amiablement, ou judiciairement, par l’assureur de l’auteur de l’accident, par le FGAO (si l’auteur n’est pas identifié ou assuré) voire en résultat d’une assurance souscrite (garantie accident de la vie, sous réserve des clauses souscrites).

Dans l’hypothèse d’une agression, et outre ces contrats, les frais d’obsèques sont indemnisés par le FGTI, soit amiablement, soit judiciairement.


La perte de revenus des proches en cas de décès ?

La perte de revenus s’applique principalement aux conjoints mariés, pacsés ou en situation de concubinage notoire. L’indemnisation de la perte de revenus peut bénéficier de deux sources cumulatives (sous réserve de déductions) :

  • Par la voie contractuelle

    Application des clauses de versement d’un capital ou d’une rente ;

  • Par la voie amiable ou judiciaire

    La perte de gain annuelle est calculée sur la base du revenu de référence du couple avant le décès, puis capitalisée au moyen d’un barème, pour être versée au conjoint survivant via une rente mensuelle ou trimestrielle. La part d’autoconsommation du défunt, comme les pensions de réversion ou tous autres revenus de substitution, sont évidemment déduites.

A noter que la perte de revenus peut également prendre pour référence l’incidence professionnelle du conjoint, les pertes de primes ou d’avancement, voire une reconversion forcée.

Dans le cas spécifique d’une agression ayant entrainé le décès, la perte de revenus est calculée de manière identique, puis réglée par le Fonds de Garantie (FGTI) amiablement ou judiciairement devant la CIVI dans l’hypothèse d’un désaccord sur la nature du préjudice, ou le montant réclamé.


D’autres préjudices à indemniser en cas de décès ? 

A l’instar de la survie de la victime, le préjudice d’affection est évidement réclamé par les proches, avec la précision que son évaluation (forcément subjective) est soumise à de nombreux facteurs : caractère brutal ou prolongé du décès, souffrances endurées par la victime directe, degré de parenté notamment.

Dans certains cas, et de manière complémentaire au préjudice d’affection, les proches peuvent solliciter l’indemnisation du « préjudice d’accompagnement » de la victime blessée jusqu’au moment de son décès.


Pour les enfants ?

L’avenir éducatif et matériel des enfants n’est pas oublié, et constitue un préjudice à part entière. Ainsi, tous les impacts financiers générés par la disparition de l’un des parents (ou des deux) sont compensés au moyen d’une rente capitalisée, en général versée jusqu’à l’âge de 25 ans, correspondant à la fin d’études supérieures et/ou à l’entrée dans la vie active.


Pius-je hériter des indemnisations du défunt ? 

Certains postes de préjudice propres à la victime sont évidemment transmissibles aux héritiers, désormais en droit de revendiquer leur règlement au titre de la « dette de valeur » avec quelques variables qui tiennent au moment du décès.


En conclusion 

Outre l’évaluation parfois très subjective du préjudice moral par les juridictions, donnant lieu au sentiment d’une sous-indemnisation injuste, la quantification des postes de préjudices constitue la partie la plus technique et la plus difficile du dommage corporel, justifiant le recours à des techniciens en la matière : avocats spécialisés et médecins experts de recours, conseils de victimes exclusifs et indépendant des compagnies d’assurance.


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2 commentaires

  • Merci pour cet article clair et complet. Je vais grâce à vous réfléchir très vite sur la façon de protéger ma famille

  • On ne pense pas assez à tout cela. Mon mari est décédé mais n’avait pas pris assez de précuations. En tout cas, j’ai pris une assurance pour protéger mes jeunes enfants si je decède.

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Sandrine Guerry·2 juillet 2020·2 commentaires