L’indemnisation des victimes d’agression physique

90 % des victimes d’agression physique ne reçoivent jamais d’indemnisation pour leurs dommages, notamment corporels. C’est la double peine infligée aux victimes : d’abord humiliées, frappées, blessées, puis abandonnées par l’auteur et la société. La complexité et la longueur de la procédure pénale sont généralement en cause, mais d’autres difficultés viennent aussi priver les victimes de l’indemnisation qui leur est due. Le plus souvent, la difficulté consiste à retrouver l’auteur puis à le faire payer. Il existe toutefois beaucoup de moyens d’amener l’auteur à réparer le dommage qu’il a créé. A défaut, il faut chercher un tiers de substitution qui soit solvable. Cet article vous explique comment augmenter vos chances de recevoir une juste indemnisation en cas d’agression physique.

Ce qu’il faut savoir si vous êtes victime d’agression

Dans cet article nous traiterons des points suivants  :

  • L’importance de la réparation pour les victimes d’agression physique
  • L’évaluation du dommage corporel des victimes d’agressions
  • Le parcours classique de la victime d’agression physique 
  • Quelques exemples pour illustrer

 


L’importance de la réparation pour les victimes d’agression physique

A la violence de l’auteur la victime doit opposer le Droit, et surtout sa détermination. La réparation financière est généralement plus éducative qu’une condamnation pénale souvent symbolique. Elle prend toute sa dimension de réparation auprès des victimes d’agression.

 


L’évaluation du dommage corporel des victimes d’agressions

L’évaluation des différents postes de dommage corporel ne pose habituellement pas de difficulté technique médicolégale.

Le premier examen médicolégal doit être le plus précoce possible. Il permet de déterminer l’ITT, l’incapacité totale de travail au sens pénal, qui participe à la qualification de l’infraction pénale. Cet examen permet aussi d’enregistrer les données médicales initiales, en premier lieu le certificat médical initial, et de comporter un examen médical précoce, clinique et souvent psychologique, de la victime.

Le second examen intervient beaucoup plus tard, après la consolidation, pour évaluer chaque poste du dommage corporel qui sera ensuite converti en montant financier. Il s’agit d’une véritable expertise médicale judiciaire contradictoire aboutissant à un rapport établi selon la nomenclature Dintilhac, y compris pour la CIVI (voir plus loin).

Il existe peu d’informations disponibles sur Internet susceptibles d’éclairer les victimes d’agression sur leur situation, leurs droits et surtout la façon de les exercer en pratique. C’est pourquoi il nous a semblé utile de produire cet article, rédigé par un médecin intervenant en UMJ (Unité Médico Judiciaire)  et de présenter des situations réelles. Pour garantir l’anonymat des protagonistes de ces situations, leur nom et certains détails qui auraient pu permettre une identification ont été modifiés. Nous allons donc envisager plusieurs cas de figure.

 


Le parcours classique de la victime d’agression physique 

On peut distinguer 6 grandes phases :

  • L’agression,
  • Les premiers soins qui permettent aussi de constater les blessures,
  • La plainte pénale avec fixation de l’ITT,
  • Le traitement et la convalescence,
  • L’expertise médicale pour déterminer le dommage corporel imputable à l’agression,
  • L’indemnisation du dommage corporel.

1- L’agression

Lors de l’agression, la victime doit gérer la situation comme elle peut. Il est fortement recommandé de d’abord se protéger des coups et d’éviter d’en donner. La réponse doit rester proportionnelle à l’attaque et se limiter à protéger la ou les victimes. En cas d’échange de coups entre les protagonistes, on passe du contexte d’agression de A par B au contexte de violences volontaires réciproques ou de rixe. Dans ce cas, chaque auteur doit indemniser sa victime du dommage corporel qu’il lui a infligé. Le juge reste souverain pour apprécier la situation.

2- Les premier soins

Après l’agression, la victime doit faire constater ses blessures par un médecin. Elle peut consulter le médecin de son choix de son propre chef si elle est encore capable de le faire ou de se faire transporter par des proches. La victime peut aussi être prise en charge par les pompiers qui l’emmèneront alors aux urgences d’un hôpital. Dans tous ces cas un médecin examinera la victime et lui remettra un certificat médical initial (CMI) descriptif des blessures. D’autres documents médicaux pourront, si besoin compléter ce CMI : clichés ou comptes rendus (CR) d’imagerie, examens biologiques, comptes rendus opératoires (CRO) ou d’actes techniques divers.

3- La plainte pénale

Pour entamer des poursuites contre l’auteur ou déclencher une enquête pénale à sa recherche, la victime doit déposer plainte. Elle dispose de plusieurs années pour le faire selon les circonstances, mais en pratique, le plus tôt est le mieux. En effet le temps joue contre la victime car il efface les éléments de preuve. Les ecchymoses disparaissent vite, les dossiers s’égarent, les témoins disparaissent ou oublient, l’auteur aussi disparait. Même s’il est connu de la victime, il peut changer d’adresse, d’aspect etc…

Une fois la plainte déposée, il sera nécessaire de produire un certificat médical décrivant les blessures et déterminant l’ITT. Ce certificat peut être produit par tout médecin inscrit à l’Ordre. En pratique, il est préférable que le certificat soit rédigé par un médecin compétent en pratiques médico-judiciaires, ou tout au moins ayant de bonnes connaissances de la médecine légale. Le plus souvent la victime est examinée au sein d’une UMJ pour la rédaction du certificat d’ITT. L’examen à l’UMJ s’effectue uniquement sur réquisition judiciaire. C’est l’OPJ chargé de l’affaire qui requiert l’UMJ pour cette mission. La victime doit se présenter avec les pièces médicales ayant un lien avec l’affaire : CMI, CR de passage aux urgences, CRO éventuels, radios et CR de radio, ordonnances, traitements suivis, complications éventuelles… La réunion n’est pas contradictoire. La victime est examinée par le médecin en l’absence des autres parties, dont le mis en cause, l’assurance maladie ou les tiers impliqués. Le nombre de jours d’ITT va participer à la qualification de l’affaire. Ce n’est toutefois qu’un des critères pris en compte par la Justice pour déterminer la juridiction compétente et d’éventuelles circonstances aggravantes.

4- Le traitement et la convalescence

Ensuite, le temps est consacré à soigner la victime et à poursuivre l’auteur. Le temps médical et le temps judiciaire ne s’accordent pas toujours. Il arrive néanmoins un moment où la procédure judiciaire arrive au stade de l’indemnisation de la victime. Il faut que deux conditions soient réunies :

  • Que la victime se soit constituée partie civile, c’est-à-dire qu’elle demande expressément l’indemnisation de son dommage dont les préjudices corporels.
  • Que la victime soit consolidée de ses blessures, avec ou sans séquelles. En effet l’évaluation du dommage corporel ne peut s’achever qu’une fois a consolidation acquise.

5- L’expertise médicale

Si l’auteur est connu, le juge répressif désignera un médecin expert pour évaluer le dommage corporel de la victime.

Si l’auteur est inconnu, les poursuites ne pourront aboutir. La victime peut alors saisir la CIVI pour demander une indemnisation (Commission d’indemnisation des victimes d’incivilités et du terrorisme) par le FGTI (fonds de garantie des actes de terrorisme ou d’incivilités). Il existe une CIVI dans chaque TGI. C’est la CIVI qui désigne alors le médecin expert.

La victime passe alors une seconde fois devant un médecin expert. Cette fois, la réunion est contradictoire c’est-à-dire que les parties adverses peuvent participer ou s’y faire représenter par leur avocat et/ou leur médecin conseil (également appelé médecin expert de recours). Cette réunion est très importante sur le plan financier puisque l’expert va établir la liste des postes de dommage imputables à l’agression et les évaluer selon la nomenclature Dintilhac. Ces postes seront alors convertis en valeur monétaire par le juge.

6- L’indemnisation du dommage corporel

Le juge est souverain pour déterminer les postes à indemniser et le montant attribué à chaque poste. Cela ne prive pas les avocats des parties de débattre de ces sujets sur la base des résultats de l’expertise médicale ou de contester tout ou partie de celle-ci, y compris en présentant des rapports médicaux critiques établis par d’autres experts ou en demandant une contrexpertise.

Ce débat étant achevé, le juge fixe le montant de l’indemnité qui revient à la victime. Ce jugement est susceptible d’appel et de toutes les actions apparentées. Une fois le jugement devenu définitif, les sommes sont définitivement dues par l’auteur à la victime. Celle-ci peut alors utiliser tous les moyens légaux pour faire exécuter le jugement : huissier, saisie sur comptes bancaires ou des biens meubles et immeubles comme disent les juristes.

Si la justice a déjà saisi des biens ou des sommes d’argent appartenant à l’auteur des faits, la victime peut demander que ces sommes servent à l’indemniser en s’adressant à l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) dans les deux mois suivant la date du jugement attribuant l’indemnisation.

Si l’auteur est insolvable, la victime peut se retourner vers la CIVI pour demander une indemnisation par le FGTI. Les décisions de la CIVI sont soumises à appel par la victime comme par le FGTI.

Si l’auteur est solvable mais résiste à son obligation, la victime peut aussi se faire aider par le Service d‘aide au recouvrement des victimes d’infractions (SARVI). Le SARVI permet à la victime de bénéficier d’une avance servie par le FGTI et d’une aide au recouvrement du solde. Les sommes en jeu restent modestes, l’avance est plafonnée à 1000 €. Elle est toutefois intégralement versée par le FGTI lorsque la somme allouée est inférieure ou égale à 1000 €. Ce service est intéressant pour des indemnités trop modestes pour justifier le recours à un avocat ou un huissier pour les recouvrer.

 


Quelques exemples

Au-delà de cette présentation générale du système d’indemnisation des victimes d’agressions, il existe toute une variété de situations particulières. En voici quelques exemples :

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1- Le coup de sang du sergent

Il faut privilégier l’accord amiable préalable pour indemniser le dommage corporel de la victime.

Quentin est sergent dans l’armée de terre. Au cours d’une intervention en Afghanistan, l’ambiance est tendue. Les hommes sont cantonnés dans une zone instable. Ils vivent enfermés dans un camp retranché. Toute sortie est impossible pour raison personnelle. Les esprits s’échauffent. Un soir, une dispute éclate pour un sujet si futile qu’a posteriori aucun des protagonistes n’a été capable de se souvenir de la cause de la dispute. Des coups de poings volent. Quentin est le plus fort. D’un seul crochet il casse la mâchoire de Majid, l’autre sergent. Vainqueur par KO au premier round. Mais le retour à la réalité n’attend pas le lendemain matin. Majid a été victime d’une agression et une procédure disciplinaire est engagée. En complément de celle-ci, Quentin doit indemniser Majid de ses blessures. Les parties conviennent d’une démarche amiable et s’accordent sur le nom du médecin expert. Prudent, Quentin décide de se présenter à la réunion d’expertise accompagné d’un médecin expert de recours (également appelé médecin conseil). Bien lui en a pris car Majid reste très vindicatif et présente à l’expertise tout un ensemble de plaintes fonctionnelles et de doléances, que le médecin expert de recours de Quentin trie, analyse et discute avec l’expert. Finalement les parties s’accordent sur une description du dommage corporel de Majid imputable au crochet du droit, puis sur l’évaluation poste par poste. Sur cette base médicale équitable, les conseils des parties finalement s’entendront sur un montant financier. Majid sera rapidement indemnisé par Quentin. Cela coûtera un peu cher à notre sergent, mais le règlement à l’amiable de l’indemnisation de la victime a permis ensuite à Quentin de démontrer au tribunal sa bonne volonté. Cela a participé favorablement à la décision concernant sa condamnation finale.

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2- Grèves et conflits de chantier

Indemniser à l’amiable la victime avant le procès pénal peut bénéficier autant à l’auteur des violences qu’à la victime.

Ahmed est un homme calme et bien élevé. Son casier judiciaire est vierge et il n’a jamais eu à faire à la justice. Ce jour-là, après 17 jours de grèves dans les transports, il n’en peut plus. Les embouteillages détruisent sa vie. Entrepreneur en bâtiment, il gagne plutôt bien sa vie. Mais depuis le début des grèves, il ne peut plus se déplacer d’un chantier à l’autre. Les problèmes s’accumulent, les risques de procès aussi, car les chantiers prennent du retard. Stressé, en manque de sommeil, Ahmed n’est plus le même homme. Aussi, lorsqu’un de ses interlocuteurs lui fait des reproches sur l’allongement des délais du chantier, Ahmed s’énerve. Lui d’habitude si calme ne peut plus se contrôler. Il crie sur son interlocuteur. Celui-ci l’insulte. Ahmed lui colle une droite de boxeur qui le réduit au silence. Groggy, le « mauvais coucheur » reste un moment immobile puis s’assoit lentement au sol en attendant de reprendre ses esprits. Un des participants de la réunion de chantier l’emmène alors aux urgences par prudence. Ahmed rentre chez lui. Trois semaines plus tard il est convoqué au commissariat pour être entendu sur cette histoire. Sa victime a porté plainte. Ahmed se présente au commissariat et est mis en garde à vue. Il raconte sa version des faits. Il apprend alors que la victime a produit un certificat lui attribuant 10 jours d’ITT et mentionnant des blessures des jambes, des fesses et du dos, ainsi qu’une contusion de la mâchoire et une entorse cervicale. Le certificat évoque aussi un important retentissement psychologique avec des réserves sur une éventuelle prolongation de l’ITT en cas de développement d’un syndrome de stress port traumatique.

Ahmed est effondré. Il s’imagine le pire. Il se demande comment son adversaire a pu être aussi amoché sur un simple coup de poing. Il se demande aussi ce qu’il risque sur le plan judiciaire, d’autant qu’il a reçu une convocation au TGI dans 3 mois.

Ahmed consulte un avocat qui l’écoute raconter sa version de l’affaire et exprimer ses doutes sur l’étendue des dommages de sa victime. L’avocat lui propose alors d’essayer d’indemniser la victime à l’amiable, avant de passer devant le juge pénal. L’avocat lui explique que cela représente un investissement, mais que de toutes façons, le juge va fixer un montant, la victime s’étant constituée partie civile. Alors autant être proactif et participer à l’évaluation de la somme à régler plutôt que d’attendre. Et puis, comme le rappelle l’avocat, c’est toujours mieux de se présenter devant le juge en ayant déjà indemnisé la victime. Ahmed donne son accord. La pilule est dure à avaler car il sait que la somme restera entièrement à sa charge. S’agissant de violences volontaires, aucune assurance ne les prendra à sa charge.

L’avocat propose donc à la partie adverse le principe d’une indemnisation amiable préalable au procès pénal. La victime accepte. L’avocat organise donc une expertise amiable privée. Il propose un médecin expert qui est accepté par la partie adverse. Celle-ci aurait en effet des difficultés à expliquer ultérieurement devant le juge qu’elle a refusé le principe d’un règlement amiable de la partie civile de l’affaire. Et puis la perspective d’une indemnisation n’est jamais désagréable. Les parties se retrouvent donc devant le médecin expert qui déroule sa mission. Le médecin expert commence par la reconstitution des faits. Il s’attarde sur l’évocation de la dispute puis du coup, puis des instants qui ont suivi. Il est très attentif à comprendre comment et où le coup a été porté. Il vérifie qu’il n’y en a pas eu d’autre. Après quelques errances de son récit, la victime reconnait la version d’Ahmed, d’autant que celui-ci produit les attestations de plusieurs témoins. L’expert s’intéresse ensuite au certificat d’ITT. Au début très réservé sur son passage aux urgences, la victime finit par reconnaître que celui-ci fut très court. L’examen n’aurait montré que des lésions banales de contusion du menton et des muscles du cou, du côté frappé. A son retour à domicile la victime avait essentiellement des courbatures, quelques céphalées, des douleurs du cou et une douleur à la mastication d’aliments durs. Le lendemain, mal réveillé, il avait chuté dans l’escalier en sortant de chez lui. Il mettait cette chute sur le compte de sa fatigue après l’agression. Ce n’est que le lendemain qu’il était allé voir son médecin traitant qui avait constaté des contusions du dos, des fesses et des cuisses, en plus des lésions du pôle céphalique. La victime avait aussi insisté sur ses troubles du sommeil et ses difficultés à s’alimenter, qui avaient été interprétées par le médecin comme des signes de stress post traumatique aigu. L’ensemble pouvait justifier les 10 jours d’ITT attribués par le médecin. Le médecin expert émit toutefois 2 réserves.

  • La première sur le nombre total de jours d’ITT qui lui paraissait excessif, d’autant que la victime avait été vue au travail sur des chantiers dès le 5ème jour suivant l’agression. Une victime ne peut à la fois bénéficier d’une ITT (incapacité TOTALE de travail) et travailler. C’est absolument contradictoire. L’ITT attribuable à cette situation ne pouvait donc excéder 4 jours, ce qui requalifiait les faits en infraction relevant du tribunal de police et non plus en délit relevant de la correctionnelle.
  • La seconde réserve de l’expert porta sur la liste des blessures imputables au coup de poing. L’expert retint une contusion de la partie inférieure de la face et des courbatures du cou et du dos, le reste des lésions étant rattachables à la chute ultérieure. L’expert ne retint pas de lien de causalité entre cette chute et l’agression, aucune circonstance ne permettant d’établir que la seule cause de la chute était la fatigue suivant l’agression.

Finalement le médecin expert retint 2 jours d’ITT, des souffrances endurées de 1,5 sur 7, un préjudice esthétique temporaire de 1 sur 7, pas d’AIPP. Une transaction fut conclue sur une base de 2 500 euros. Celle-ci évita à Ahmed de passer en correctionnelle et évita aussi à sa victime des poursuites pour accusations mensongères, fausses déclarations et autres qualifications en rapport avec sa version un peu excessive de l’étendue de son dommage corporel.

Finalement, l’expertise médicale amiable aura bénéficié aux deux protagonistes.

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3- Nanard et la CIVI

Nanard est une figure du monde de la nuit. Il a une vie aussi brillante que son statut est flou. Il est de toutes les fêtes dans un bar de nuit bien connu. Il se comporte comme le patron mais personne n’a jamais vérifié son statut. Cette nuit-là les clients sont un peu tendus, notamment le groupe à la table du fond. Ils dérangent la clientèle, notamment féminine. Nanard tente de clamer les choses. Mais les clients sont des durs. Ils refusent de payer, veulent profiter des femmes assises aux autres tables. La situation dégénère. Soudain des coups de feu partent, plusieurs personnes tombent. Il y a du sang partout. Nanard voit l’un des hommes à 4 ou 5 mètres de lui le viser. 5 coups de feu se succèdent. Nanard s’effondre. Il saigne et ne peut plus bouger. Il sent qu’il va mourir. Tout le monde court, crie, fuit. On se frappe autour de lui. On lui marche dessus. Une victime à côté de lui tente de gagner la sortie en lui rampant dessus. Des mains le saisissent il se sent emmené dans une voiture. Il n’est toujours pas mort. Un hôpital, des types en blanc autour de lui et puis… Nanard se réveille beaucoup plus tard. Il a mal, il est percé de tuyaux, on est en train de l’extuber. Il ne peut pas bouger.

Après 2 semaines d’hôpital Nanard retourne à domicile. Il ne peut pas marcher et vit entre son lit et son fauteuil. Il est seul le plus souvent. Sa « copine » a disparu. Finalement seuls des proches viennent le voir et lui apportent à manger. Les mois passent. Nanard se remet lentement. Il va un peu mieux sur le plan physique. Il marche presque sans canne. En revanche, sur le plan psychique, il s’enferme sans le savoir dans un état de stress post traumatique (ESPT) profond. Seul, déprimé, fatigué, se sentant « mort », Nanard ne sort pas, ne consulte pas, ne reçoit plus de soins. 4 ans après les faits, 3 auteurs de la fusillade sont en prison, les autres sont en fuite à l’étranger. On ne sait pas lequel a tiré sur Nanard. Sa famille l’assiste et l’aide à déposer une demande d’indemnisation devant la CIVI. Celle-ci désigne un expert qui s’adjoint un sapiteur psychiatre compte tenu de l’importance des séquelles psychiques. Une longue discussion s’engage alors entre les experts et les médecins conseils de la CIVI. L’expert rend un pré-rapport retenant une AIPP de 9 %, tellement basse que même la famille de Nanard se rend compte de l’injustice. Elle saisit un avocat et un médecin conseil ( également appelé médecin expert de recours) qui reprennent la discussion avec l’expert. L’AIPP est révisée à 29 % et d’autres postes de préjudice sont réévalués. L’incidence professionnelle qui avait été jugée initialement nulle et le préjudice sexuel qui avait été négligé sont maintenant reconnus tous les deux « majeurs ». Et ainsi de suite, les conseils rediscutent tous les postes de préjudice avec l’expert et leurs contradicteurs.

Ce qu’il faut retenir : Lorsque l’auteur est inconnu ou insolvable, les victimes d’agression peuvent bénéficier d’une indemnisation par la CIVI, la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions pénales et du Terrorisme. C’est le principe de l’indemnisation de l’entier préjudice qui prévaut, établi selon la nomenclature Dintilhac.

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4- Braquage de camion

Carlos est chauffeur poids lourds. Il est habitué à dormir dans la cabine lors de ses déplacements. Lui et ses collègues ont d’ailleurs un contentieux avec leur employeur à ce sujet. L’employeur considère que la présence du chauffeur dans le camion améliore la sécurité du chargement. Les chauffeurs considèrent qu’ils ne sont pas agents de sécurité et n’ont pas à assurer cette fonction, notamment pendant leurs heures de repos et de sommeil. De plus, l’absence de dispositifs de sécurité et de surveillance sur les parkings de l’entreprise expose les chauffeurs à des agressions. Sur le parking, ils sont isolés et sans défense.

De nombreuses discussions ont eu lieu sur ce sujet avec la direction et le CHSCT a été saisi plusieurs fois du problème.

Cette nuit, à 3 heures du matin, Carlos descend de son camion, stationné sur le parking de l’entreprise, pour aller aux toilettes. Il remarque que le portail principal du parking est grand ouvert, alors qu’il devrait être fermé pour interdire l’entrée à des tiers. Carlos râle en son fort intérieur. Déjà qu’il n’y a pas d’agent de sécurité pour contrôler les accès, si le portail est grand ouvert, c’est vraiment trop. Ses pensées s’arrêtent là. 3 grands gaillards l’encerclent et le rouent de coups. Il est mis au sol et frappé à coup de poings et de pieds et avec quelque chose de très dur. Il a mal, il saigne de la tête et du nez. Finalement il perd connaissance. Il reprend ses esprits beaucoup plus tard, à l’hôpital avec des pansements partout. Il a un plâtre à la jambe et au bras droits, ainsi qu’un gros pansement sur la tête. Il a très mal. On lui apprend qu’il a eu une fracture du crâne avec plaie cranio encéphalique. On a dû le taper avec un marteau ou quelque chose d’équivalent. Il s’en sort vivant mais pourra avoir des séquelles. Effectivement, la cicatrice cérébrale occasionnera ensuite une épilepsie difficile à contrôler par les anti épileptiques. Les auteurs de l’agression n’ont pas été retrouvés. L’origine des blessures de Carlos ne fait pas de doute et l’enquête de police a confirmé l’agression par des voleurs, la cargaison du camion ayant été délestée des objets qui avaient le plus de valeur.

Vint le temps de l’indemnisation. Les auteurs étant inconnus, Carlos aurait pu déposer une demande devant la CIVI. Son avocat lui proposa une autre solution. Etant victime d’un accident du travail il pouvait aussi en demander l’indemnisation de l’entier préjudice à son employeur sur le fondement de la faute inexcusable. Les défauts dans la sécurité des chauffeurs, isolés, lors de leurs permanences ou repos de nuit étaient susceptibles de représenter une faute inexcusable. L’avocat n’eut pas besoin de plaider. L’employeur accepta immédiatement le principe d’une indemnisation à l’amiable. L’avocat de Carlos proposa un médecin expert, l’employeur accepta le principe. L’expert rendit son rapport sur le principe de la nomenclature Dintilhac. L’avocat négocia le montant de l’indemnisation avec le conseil de l’employeur. On dit que Carlos fut content de la rapidité de son indemnisation par voie amiable et du montant.


 

Merci d’avoir lu cet article ” L’indemnisation  des victimes d’agression physique”.

Nous vous conseillons également “Pretium doloris, quel prix pour vos souffrances” et “Le coup du lapin, symptômes et indemnisation”

N’hésitez pas à nous laisser vos commentaires tout en bas de cette page.  

 


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9 commentaires

  • Je vais vite faire lire votre article à mon neveu qui est très bagarreur. Il comprendra qu’il risque gros s’il blesse quelqu’un.

    • A

      Bonjour Anna, oui c’est une bonne idée et cela l’aidera à mieux comprendre les enjeux. Merci

  • Bravo car il y a une forte augmentation de violence dans la société et grâce à vous je sais qu’elle mesure je dois prendre si mes filles ou moi en sommes victimes

    • A

      Bonjour Louise et merci pour votre commentaire. Il est important de bien comprendre ce qu’une victime peut faire après une agression.

  • Merci pour votre article.
    Toujours aussi intéressant Docditoo !!!

  • Merci pour ces pistes d’actions sur un sujet aussi traumatisant que les agressions physiques. Les exemples pratiques sont très parlants.

  • Article Super intéressant. Ma fille a été agressée par un inconnu dans la rue et je ne savais pas qu’il pouvait y avoir un recours.
    Maintenant je serai et je pourrai en parler autour de moi

  • Super article. merci
    je l’ai fait lire à mes fils pour qu’ils prennent conscience qu’une bagarre peut dégénérer et qu’il y a des risques graves si il y a une victime qui porte plainte

  • Merci pour cet article
    J’ai appris beaucoup de choses que je ne connaissais pas. Tout le monde peut se faire agresser.
    au moins, on sait qu’on doit agir vite et comment le faire

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Sandrine Guerry·9 janvier 2020·9 commentaires